"La guerre est-elle évitable pour l'homme" de Mar Padilla du "El Pais Séminal" cité par "Courrier International"
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"La guerre est-elle évitable pour l'homme" de Mar Padilla du "El Pais Séminal" cité par "Courrier International"
Mar Padilla (Journal : El Pais Semanal) a écrit:La pilule philosophique. La guerre est-elle inévitable pour l’homme ?
Chaque semaine, “Courrier international” vous propose un billet qui soulève des interrogations sur notre condition moderne en s’appuyant sur des œuvres littéraires, scientifiques et, bien sûr, philosophiques. Ce samedi, la journaliste espagnole Mar Padilla essaie de comprendre pour “El País Semanal” comment l’être humain en vient à plonger dans le chaos du conflit armé.

El País Semanal
Traduit de l'espagnol
Réservé aux abonnés Publié aujourd’hui à 05h00 Lecture 5 min.
L’année commence seulement, et déjà les nouvelles sont décourageantes : conflit en Ukraine, bombardements à Gaza, combats au Yémen. La guerre est-elle vraiment indissociable de la condition humaine ?
En 1986 paraissait le Manifeste de Séville sur la violence, un document élaboré par des experts internationaux réunis par l’Unesco dans la ville andalouse. Conclusion : rien ne prouve scientifiquement que la guerre soit inhérente à l’être humain.
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“La guerre n’est pas dans nos gènes, enchaîne Jorge L. Tizón, psychiatre et auteur de La guerra como campo de batalla. Deconstruyendo mitos y símbolos [“La Guerre comme champ de bataille. Déconstruire les mythes et les symboles”, non traduit en français] (Herder, 2022). Tizón nous rappelle une chose dont nous faisons sans cesse l’expérience dans nos relations avec les autres : nous portons en nous cette colère et cette violence − sans parler du chagrin et de la tristesse −, mais aussi la joie, l’attachement, le désir ou l’instinct du jeu.
Émotions stimulées
Parfois, nous avons du mal à voir ce qui est évident. Chez l’être humain, la règle morale essentielle est de ne pas faire de mal, et nous sommes des êtres “ultrasociaux, qui parviennent à vivre dans des agglomérations à forte densité de population, où règne une sociabilité respectueuse, où des inconnus échangent en toute confiance, avec une très grande marge de tolérance et de coopération”, rappelle Adolf Tobeña, professeur de psychiatrie à l’Université autonome de Barcelone.
Et pourtant, l’affrontement armé est ce que nous voyons depuis des siècles. Pour Erich Fromm [sociologue allemand], cette question est nourrie par l’école de “l’instinctivisme”, une idée générale pour accepter la guerre. “D’un côté, il y a les émotions humaines. De l’autre, la culture se charge d’en stimuler ou réprimer certaines de ces émotions”, signale Tizón.
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Dans La religión de la guerra [Le Discours de la guerre] (Arena libros, 2022), un recueil d’articles de jeunesse du philosophe français André Glucksmann, on trouve cette idée que l’Occident est une société cartographiée à partir des guerres liées à l’impérialisme, au colonialisme et au nationalisme.
La guerre occupe une place prépondérante dans l’imaginaire occidental. Elle est une colonne vertébrale dans les cours d’histoire, la peinture, les romans, les films, les séries ou les jeux vidéo. Un symbole aux multiples facettes, perçu comme un destin, un devoir, une coutume, un appel biologique, une aventure, une absurdité, et plus récemment comme le pire des crimes.
Chaos justifié
Une coutume ressemble peut-être beaucoup à une vérité, mais elle ne l’est pas. En 1987, Gueorgui Arbatov, conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, a mis en garde l’Occident :
“Nous allons vous faire une chose terrible : nous allons vous priver d’un ennemi.”
Si l’on veut encourager des identités moins belligérantes, il faut réfléchir à l’attrait pour le combat. Dans War Is a Force That Gives Us Meaning [La guerre est une force qui nous octroie du sens, Actes Sud], Chris Hedges, reporter aguerri dans des conflits comme celui du Salvador ou ceux des Balkans (et qui a décidé de quitter The New York Times après s’être vu reprocher d’avoir critiqué l’invasion de l’Irak), fait valoir que le problème est lié à la force du mythe de la guerre : il donne un sens au chaos et à la mort violente, il justifie la cruauté et la bêtise humaine. “La guerre est une nécrophilie occultée sous les lieux communs du devoir et de la camaraderie”, écrit-il.
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L’idée maîtresse est que, parmi les groupes humains, on peut donner à la guerre une valeur supérieure. Si elle est considérée comme une “cause juste”, quelle qu’elle soit, elle nous permet d’exalter la morale jusqu’à nous obnubiler et nous amener à affronter nos semblables, à en croire Tobeña, auteur de La guerra infinita. De las luchas tribales a las contiendas globales [“La Guerre infinie. Des luttes tribales aux conflits mondiaux”, non traduit en français] (Plataforma, 2023), coécrit avec Jorge Carrasco.
“Le privilège de l’absurde”
Il y a aussi le désir de combattre. “Nous, les êtres humains, avons le privilège de l’absurde : l’idée de vie est plus importante que la vie elle-même, m’explique l’anthropologue franco-américain Scott Atran au téléphone. Les civilisations s’effondrent ou non en fonction de la vitalité de leurs idées culturelles, de leurs valeurs.”
“Nous avons un biais neuropsychologique automatique, poursuit Tobeña, un ressort psychologique qui nous incite à préférer et à défendre les nôtres, mais ce biais ne conduit pas nécessairement à l’affrontement.”
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Quand en arrive-t-on aux hostilités ? Quand on alimente jusqu’au paroxysme la compétition, la lutte pour la domination et le favoritisme de groupe − tribalisme, corporatisme, chauvinisme ou nationalisme. Quand ceux qui veulent tirer parti des conflits promeuvent le mépris et la haine de l’autre. Quand on alimente la peur, “qui court-circuite les processus cognitifs”, ce qui peut conduire à l’affrontement, au dire de Tizón.
“Un parti pris dangereux”
En 1795, Kant a lancé l’idée de déclarer illégale la guerre à l’échelle universelle. Et, en effet, le document de Séville rappelle que la guerre naît dans les esprits. Aussi, “en agissant comme si la guerre n’était pas inévitable, nous pourrons la prévenir”, raisonne Cynthia Enloe, autrice de Doce lecciones feministas sobre la guerra [“Douze leçons féministes sur la guerre”, non traduit en français] (RBA, 2024). Pour Enloe, affirmer que la guerre est inévitable suppose de ne responsabiliser personne à l’égard de la destruction de la paix. “Un parti pris dangereux, car toutes les guerres qui ont éclaté sont dues aux décisions spécifiques de certaines personnes, dont chacune aurait pu agir de manière différente.”
Dans ce sombre contexte, la propagande belliciste cache ceux qui fuient ou ceux qui refusent de tirer. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée allemande a exécuté trente mille déserteurs, et au cours de la guerre de Sécession la moitié des soldats n’ont pas utilisé leurs armes. De quoi faire voler en éclats le récit bien ordonné de la guerre.
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À en juger par les trois critères fondamentaux des guerres − fréquence, durée et pertes humaines −, les conflits armés sont en diminution. Au début de la Première Guerre mondiale, plus de deux millions de volontaires se sont enrôlés, ce qui serait impensable aujourd’hui. Récemment, l’historienne britannique Mary Beard allait dans le même sens :
“Nous n’avons pas résolu le problème de la guerre ou des crimes, mais avons conscience que c’est un mal. Nous avons progressé.”
Où va-t-on ?
L’espèce humaine a une capacité de “mentalisation” communautaire qui la rend capable du meilleur comme du pire. Il y a des gens comme le médecin palestinien Mahmoud Abou Noujaila, de Médecins sans frontières, mort dans le bombardement de l’hôpital Al-Awda, à Gaza, pour avoir décidé de ne pas abandonner les malades et les blessés. “Nous avons fait ce que nous avons pu. Ne nous oubliez pas”, a-t-il écrit sur le tableau noir qui servait à programmer les interventions chirurgicales.
De l’autre côté du miroir, il y a Adolf Hitler, qui à l’automne 1923, [lors d’un meeting] dans la brasserie Bürgerbräukeller de Munich, suant et coléreux − on l’appelait “le caniche mouillé” pour cette raison −, a attisé la haine des cinquante personnes présentes.
Reste à savoir quel chemin nous allons suivre. La déclaration de Séville conclut que “la biologie ne condamne pas l’humanité à la guerre, que nous pouvons nous libérer de la servitude du pessimisme biologique et entreprendre avec confiance les tâches transformatrices”.
Mar Padilla
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Israël-Palestine ou Russie-Ukraine : guerres coloniales ou guerres d'apocalypse ?
- Israël- Palestine, Russie-Ukraine : dernières guerres de colonisation ou premières guerres de l’apocalypse ?
Avec les guerres d’Israël-Palestine et Russie-Ukraine, au-delà des enjeux politiques, peut-on rattacher ces guerres à des guerres de colonisation telles que les états européens et l’Amérique du nord ont faites les siècles derniers ou à l’émergence des guerres de l’apocalypse à venir ?
Les guerres de colonisation et de décolonisation se caractérise par un envahissement d’un territoire qui n’est pas le sien* par des moyens militaires puis une rébellion de la population locale avec des crimes ciblées contre l’ « envahisseur » et une nouvelle guerre de « libéralisation » ou de « représailles » suivant que la population autochtones obtient son indépendance ou soit soumis à une extermination plus ou moins étendue…
Les « nouvelles » guerre d’apocalyse vont peut-être se caractériser par une conquête de territoire à la recherche de biens pour la survie de sa population par une confrontation avec ce que l’autre possède et que l’on veut s’approprier.
Il ne s’agit pas de pouvoir pour étendre son « royaume » mais d’avoir du peur de manquer.
Israël veut plus de territoire pour continuer à prospérer car Israël a besoin de place pour mettre sa population et développer ses cultures et la Russie veut plus de territoire pour continuer également à prospérer car l’Ukraine est une terre riche.
Selon l’issue de ces guerres ce sera une porte qui s’ouvre vers un embrasement du monde, ou une porte qui s’ouvre vers une coopération pour une gestion « intelligente et partagée » des ressources.
Soit un Sapiens qui franchit un nouveau cap évolutionnel en abandonnant son instinct de prédateur qui lui a permis de survivre pour un instinct de solidarité qui lui permettra de poursuivre son existence…
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