Confinement

Remy a écrit:Je me suis éveillé ce matin vers 7h00, tiré de mon sommeil par le silence assourdissant d'une cohorte de molécules bio dansant autour des restes d'un far breton. Un lion se prélassait sur mon lit, enfin presque, disons un chat. De petite race, gris.

Je me saisis d'un marteau, afin de réduire au silence le réveil esclavagiste , dont l'utilité pose question en cette période, allez savoir pourquoi, et je me drape d'un peignoir de couleur marron, bien pratique en période de gastro-entérite puis, avec la bravoure qui me caractérise, je descends majestueusement l'escalier d'apparat, jusqu'au parquet flottant où se repaissent des fourmis ouvrières et fourbes, dont l'utilité confine au zéro absolu, de mon point de vue.

Je m'extasie devant la magnifique œuvre d'art contemporain qui orne le mur à babord, surtout quand je la regarde bien en face, à savoir un miroir.

Puis j'entre dans le séjour, suivi comme la peste par le lion de tout-à-l'heure, celui qui hante ma couche, la nuit, quand les corbeaux zélés, au soir de leur journée d'âpre labeur, me taraudent l'esprit avec la seule question métaphysique dont je désespère d'obtenir une réponse avant mon dernier souffle : quand un corbeau se pose sur un calvaire, est-ce qu'il croâ en Dieu ?

Picasso, au crépuscule de sa vie, dévoila le secret qui lui tenait le plus à coeur. Quand on lui demanda la raison de sa longévité, il s'écria : je pisse dehors !
Alors, depuis, je me livre à la même activité, avec bonheur, sauf peut-être en hiver, quand le gel saisit la faune, dans son étreinte implacable, et transforme les humains en statues à l'antique.

La porte-fenêtre du salon s'ouvre sur la forêt de Laurétan, dont les alchimistes hantent encore les sous-bois encombrés de fougères, à la recherche de la pierre philosophale.

Je dévale la terrasse jusqu'à l'orée du verger – enfin, il s'agit d'un pommier, mais il a donné cette année ses premiers fruits -, puis je m'enfonce dans les épais fourrés, jusqu'au cerisier du Japon. Je peux alors défourailler, ivre de cette liberté chérie que donnent les grands espaces.

Mais je reviens prestement au salon, car il fait froid. Après dix mètres d'un marathon épuisant, je franchis à nouveau, exsangue, la porte-fenêtre du salon.