Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
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Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Voici une critique de "Allo Ciné" que je transmets ici, car je la trouve très intéressante.
J'ai vu ce film passionnant le jour de sa sortie, irradiant une semaine riche en nanars {Je pense aux malheureux jeunots qui n'ont jamais lu Vian et vont découvrir Chloé sous les traits défraîchis de la miss Toutou!}. Un film sur une femme supérieurement intelligente, tourné par une cinéaste remarquable (Margarethe von Trotta) et interprété par une excellente actrice (Barbara Sukova), que demander de mieux? Soyons clairs: ne cherchons pas le cinéma là dedans. Ça pourrait être tout aussi bien un bon téléfilm; il n'y a aucune recherche de style. Pas la moindre joliesse: il ne s'agit que de nous faire réfléchir. Mais il y a quand même une idée formidable, celle d'avoir utilisé les bandes tournées au procès Eichmann, qui donnent une actualité saisissante au film en nous donnant à voir, aussi bien le minable criminel que le témoignage de certaines de ses victimes, tout en s'intégrant très souplement à l'action. Soyons clairs encore: on est bien loin d'explorer toute la richesse de pensée d'une philosophe puissante, qui a abordé tant de thèmes à la limite de la philosophie, de l'histoire et de la sociologie. Le film montre comment, à la suite de son analyse du procès, cette juive consciente de sa judéité va se brouiller avec ses amis, en Israël, tout comme avec ses amis juifs des États Unis. Donc, c'est un focus sur un moment très particulier de la vie d'Hannah. Bien sûr, la personne de Martin Heidegger est évoquée (Klaus Pohl, plutôt ressemblant); on y voit même, très briévement, la dernière rencontre qu'ils eurent en 1950 (on sait qu'elle témoigna en sa faveur au cours du procès en dénazification). Cet Heidegger qui fut, sans doute, le premier homme et le plus violent amour de la vie d'Hannah -même si le film insiste à l'excès sur la tendresse qui l'unissait à son second époux, Heinrich Blücher (Axel Millberg). Donc, Hannah, brillant professeur à Princeton, amie de la romancière Mary McCarthy (Janet McTeer), va demander au New Yorker d'être envoyée à Jérusalem pour suivre et chroniquer le procès Eichmann. Ces articles, et le livre qu'elle va ensuite en tirer, vont créer le scandale, mais même si la jeune femme est blessée par le rejet de ses amis juifs -ses meilleurs amis qui lui tournent le dos-, elle ne changera pas une virgule à ses déclarations. On nous la montre sûre d'elle, assez arrogante -mais surtout, libre. Finalement, le film se résume à ça: une apologie de la liberté de penser. Ce qu'elle pense est doublement scandaleux pour son peuple mais elle le dit. Scandaleuse, cette affirmation que les responsables juifs ont été complices des nazis. Scandaleuse, et même maintenant: insupportable. Pourtant, la question est bien là: si les juifs s'étaient révoltés en masse, leur destin en aurait-il été changé? Malheureusement, le peuple élu n'était pas prêt à se soulever. Son statut était le fruit de siècles de soumission. Juif, si tu te tiens à ta place, tout ira bien. Occupe-toi des finances, tâche indigne d'un aristocrate. Tu es doué par la musique? Compose. Tu peux être un histrion, et tous ces métiers d'amuseur qui conduisaient leurs pratiquants à l'excommunication. Bref, l'antisémitisme chrétien avait conduit les juifs à faire profil bas. Mauvais apprentissage de la révolte.... Mais Hannah elle même, sans son statut d'intellectuelle reconnue qui lui permit d'obtenir un visa de faveur pour les Etats Unis, que serait elle devenue? C'est pourquoi, ce que l'on retient de cette période, c'est évidemment et avant tout cette découverte géniale de la banalité du mal. Contrairement au héros des Bienveillantes, la plupart des nazis, surtout dans les postes subalternes, loin d'être des monstres, se caractérisaient par une absence totale de pensée individuelle. On leur disait de remplir des trains et de les faire rouler? Ils remplissaient les trains et les faisaient rouler. Sans se préoccuper de leur destination? Non. Cette destination, Eichmann, qui n'était pas un subalterne, la connaissait forcément. Mais il faisait ce qu'on lui disait de faire. On le voit, sur les bandes, petit bonhomme à grosses lunettes, tellement minable -il pourrait être un garçon de bureau chez Courteline. C'est ce qu'elle a compris, Hannah, et si bien popularisé: le mal, c'est l'absence de pensée. Bien sûr, Eichmann l'a roulée en faisant l'âne pour avoir du son. Mais ce qui était faux pour Eichmann a été vrai pour des milliers de bureaucrates subalternes. L'humanité, c'est la pensée. Ce qui les caractérise tous, Khmers Rouges, Hutus, c'est la disparition de la personne. Ils ne sont plus que les fourmis d'une colonie, les abeilles d'une ruche. Comme dans un liquide en surfusion, l'introduction d'un cristal, d'un monocristal même -quelques atomes, juste une maille élémentaire! va déclencher l'ordre qui se propage et s'étend à toute la masse. A petite échelle, c'est le phénomène de bande; vu du comptoir de coin, ils sont tous habillés pareil, regardent les mêmes conneries, se fourrent le même bruit dans les oreilles. Ca fait sourire. Mais c'est comme ça qu'on perd l'habitude de penser. La télévision qui pourrait, qui peut (à condition de regarder Arte) être un vecteur de pensée, est devenue un outil d'avilissement, via la télé réalité -la grosse poupée Barbie, son visage bête et son "Allo"- On devient juste un crétin -et puis on devient un monstre. On met un cristal -un prédicateur islamique par exemple- dans cette masse inorganisée de cerveaux surfondus, et on obtient autant de Mohamed Merah. Ce film est une oeuvre de santé publique. On devrait le projeter dans tous les lycées. Peu importe s'il est académique, tant mieux au contraire. Et que les ados comprennent ce qui est essentiel: pensez libre! pensez tout seul!
J'ai vu ce film passionnant le jour de sa sortie, irradiant une semaine riche en nanars {Je pense aux malheureux jeunots qui n'ont jamais lu Vian et vont découvrir Chloé sous les traits défraîchis de la miss Toutou!}. Un film sur une femme supérieurement intelligente, tourné par une cinéaste remarquable (Margarethe von Trotta) et interprété par une excellente actrice (Barbara Sukova), que demander de mieux? Soyons clairs: ne cherchons pas le cinéma là dedans. Ça pourrait être tout aussi bien un bon téléfilm; il n'y a aucune recherche de style. Pas la moindre joliesse: il ne s'agit que de nous faire réfléchir. Mais il y a quand même une idée formidable, celle d'avoir utilisé les bandes tournées au procès Eichmann, qui donnent une actualité saisissante au film en nous donnant à voir, aussi bien le minable criminel que le témoignage de certaines de ses victimes, tout en s'intégrant très souplement à l'action. Soyons clairs encore: on est bien loin d'explorer toute la richesse de pensée d'une philosophe puissante, qui a abordé tant de thèmes à la limite de la philosophie, de l'histoire et de la sociologie. Le film montre comment, à la suite de son analyse du procès, cette juive consciente de sa judéité va se brouiller avec ses amis, en Israël, tout comme avec ses amis juifs des États Unis. Donc, c'est un focus sur un moment très particulier de la vie d'Hannah. Bien sûr, la personne de Martin Heidegger est évoquée (Klaus Pohl, plutôt ressemblant); on y voit même, très briévement, la dernière rencontre qu'ils eurent en 1950 (on sait qu'elle témoigna en sa faveur au cours du procès en dénazification). Cet Heidegger qui fut, sans doute, le premier homme et le plus violent amour de la vie d'Hannah -même si le film insiste à l'excès sur la tendresse qui l'unissait à son second époux, Heinrich Blücher (Axel Millberg). Donc, Hannah, brillant professeur à Princeton, amie de la romancière Mary McCarthy (Janet McTeer), va demander au New Yorker d'être envoyée à Jérusalem pour suivre et chroniquer le procès Eichmann. Ces articles, et le livre qu'elle va ensuite en tirer, vont créer le scandale, mais même si la jeune femme est blessée par le rejet de ses amis juifs -ses meilleurs amis qui lui tournent le dos-, elle ne changera pas une virgule à ses déclarations. On nous la montre sûre d'elle, assez arrogante -mais surtout, libre. Finalement, le film se résume à ça: une apologie de la liberté de penser. Ce qu'elle pense est doublement scandaleux pour son peuple mais elle le dit. Scandaleuse, cette affirmation que les responsables juifs ont été complices des nazis. Scandaleuse, et même maintenant: insupportable. Pourtant, la question est bien là: si les juifs s'étaient révoltés en masse, leur destin en aurait-il été changé? Malheureusement, le peuple élu n'était pas prêt à se soulever. Son statut était le fruit de siècles de soumission. Juif, si tu te tiens à ta place, tout ira bien. Occupe-toi des finances, tâche indigne d'un aristocrate. Tu es doué par la musique? Compose. Tu peux être un histrion, et tous ces métiers d'amuseur qui conduisaient leurs pratiquants à l'excommunication. Bref, l'antisémitisme chrétien avait conduit les juifs à faire profil bas. Mauvais apprentissage de la révolte.... Mais Hannah elle même, sans son statut d'intellectuelle reconnue qui lui permit d'obtenir un visa de faveur pour les Etats Unis, que serait elle devenue? C'est pourquoi, ce que l'on retient de cette période, c'est évidemment et avant tout cette découverte géniale de la banalité du mal. Contrairement au héros des Bienveillantes, la plupart des nazis, surtout dans les postes subalternes, loin d'être des monstres, se caractérisaient par une absence totale de pensée individuelle. On leur disait de remplir des trains et de les faire rouler? Ils remplissaient les trains et les faisaient rouler. Sans se préoccuper de leur destination? Non. Cette destination, Eichmann, qui n'était pas un subalterne, la connaissait forcément. Mais il faisait ce qu'on lui disait de faire. On le voit, sur les bandes, petit bonhomme à grosses lunettes, tellement minable -il pourrait être un garçon de bureau chez Courteline. C'est ce qu'elle a compris, Hannah, et si bien popularisé: le mal, c'est l'absence de pensée. Bien sûr, Eichmann l'a roulée en faisant l'âne pour avoir du son. Mais ce qui était faux pour Eichmann a été vrai pour des milliers de bureaucrates subalternes. L'humanité, c'est la pensée. Ce qui les caractérise tous, Khmers Rouges, Hutus, c'est la disparition de la personne. Ils ne sont plus que les fourmis d'une colonie, les abeilles d'une ruche. Comme dans un liquide en surfusion, l'introduction d'un cristal, d'un monocristal même -quelques atomes, juste une maille élémentaire! va déclencher l'ordre qui se propage et s'étend à toute la masse. A petite échelle, c'est le phénomène de bande; vu du comptoir de coin, ils sont tous habillés pareil, regardent les mêmes conneries, se fourrent le même bruit dans les oreilles. Ca fait sourire. Mais c'est comme ça qu'on perd l'habitude de penser. La télévision qui pourrait, qui peut (à condition de regarder Arte) être un vecteur de pensée, est devenue un outil d'avilissement, via la télé réalité -la grosse poupée Barbie, son visage bête et son "Allo"- On devient juste un crétin -et puis on devient un monstre. On met un cristal -un prédicateur islamique par exemple- dans cette masse inorganisée de cerveaux surfondus, et on obtient autant de Mohamed Merah. Ce film est une oeuvre de santé publique. On devrait le projeter dans tous les lycées. Peu importe s'il est académique, tant mieux au contraire. Et que les ados comprennent ce qui est essentiel: pensez libre! pensez tout seul!
Guilaine- Messages : 1122
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Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Merci Guilaine pour cette réflexion que je trouve vraiment très intéressante. Je n'ai pas vu le film mais ce que tu écris montre qu'Eichman était d'une surprenante banalité, s'exprimait avec des phrases toutes faites et comme tu le dis semblait ne pas avoir accès à la pensée. Sûrement les victimes auraient préféré qu'il soit un montre à l'image des crimes atroces qu'il avait commis et leur déception devait être immense.Guilaine a écrit: pensez libre! pensez tout seul!
Cependant on peut quand meme observer le réveil du sadisme chez certaines personnes qui ne sont pas toujours banales.
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MurielB- Admin
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Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
A Muriel,
Comme je l'ai écrit au début de l'article, cette réflexion n'est pas de moi. Je l'ai trouvée sur le Forum de "Allo Ciné", et je l'ai transmise à nos lecteurs car je la trouve très intéressante.
Le film mettait en valeur deux choses : la théorie de Hannah Arendt sur (1)la victimisation des Juifs qui est, à son avis, exagérée car due en partie à ses leaders de l'époque qui n'ont pas réagi, (2)la faiblesse d'intelligence d'Eichmann qui, à son avis, n'avait pas un cerveau capable de discerner la monstruosité de ses ordres, d'après Hannah Arendt, Eichmann n'était capable que d'obéir bêtement aux ordres du Führer.
Bien sûr, cela a été très mal accueilli par les Juifs d'Israël où elle se trouvait pour faire un reportage sur le procès d'Eichmann, et par les Juifs du monde entier.
Mais ce que l'auteur de l'article retient du film c'est le combat d'H.A. pour la liberté de penser. Elle avait ses convictions, certes scandaleuses pour son peuple, mais elle a lutté pour pouvoir les exprimer. L'auteur de cet article me semble vraiment impartial quand il ajoute : elle s'est sans doute fait leurrer par Eichmann qui a joué le jeu de l'innocence : "je ne savais pas la destination des trains, on me demandait de faire rouler des trains, je les faisais rouler..." Or, il n'était pas un subalterne et n'y a aucun doute qu'il connaissait la destination des trains.
Comme je l'ai écrit au début de l'article, cette réflexion n'est pas de moi. Je l'ai trouvée sur le Forum de "Allo Ciné", et je l'ai transmise à nos lecteurs car je la trouve très intéressante.
Le film mettait en valeur deux choses : la théorie de Hannah Arendt sur (1)la victimisation des Juifs qui est, à son avis, exagérée car due en partie à ses leaders de l'époque qui n'ont pas réagi, (2)la faiblesse d'intelligence d'Eichmann qui, à son avis, n'avait pas un cerveau capable de discerner la monstruosité de ses ordres, d'après Hannah Arendt, Eichmann n'était capable que d'obéir bêtement aux ordres du Führer.
Bien sûr, cela a été très mal accueilli par les Juifs d'Israël où elle se trouvait pour faire un reportage sur le procès d'Eichmann, et par les Juifs du monde entier.
Mais ce que l'auteur de l'article retient du film c'est le combat d'H.A. pour la liberté de penser. Elle avait ses convictions, certes scandaleuses pour son peuple, mais elle a lutté pour pouvoir les exprimer. L'auteur de cet article me semble vraiment impartial quand il ajoute : elle s'est sans doute fait leurrer par Eichmann qui a joué le jeu de l'innocence : "je ne savais pas la destination des trains, on me demandait de faire rouler des trains, je les faisais rouler..." Or, il n'était pas un subalterne et n'y a aucun doute qu'il connaissait la destination des trains.
Guilaine- Messages : 1122
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Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Bonjour Guilaine
Cela est vraiment intéressant ce que tu écris. Hannah a du faire preuve de beaucoup de courage pour affirmer ces idées qui n'étaient pas politiquement correctes pour les juifs. J'aime beaucoup l'idée de "Liberté de pensée". Est ce cependant possible ? On reçoit influences et manipulations de toutes parts.
Cela est vraiment intéressant ce que tu écris. Hannah a du faire preuve de beaucoup de courage pour affirmer ces idées qui n'étaient pas politiquement correctes pour les juifs. J'aime beaucoup l'idée de "Liberté de pensée". Est ce cependant possible ? On reçoit influences et manipulations de toutes parts.
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MurielB- Admin
- Messages : 18799
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Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Bonjour à tous,
il me semble aussi que les gens se laissent facilement endoctriner et perdent tout regard critique.
Même l'intelligentsia parisienne, qui se targue de regard critique, est menée par quelques mandarins qui imposent aux autres la façon de penser. Si tu veux être accepté dans le microcosme, tu as intérêt à penser comme ces meneurs. Dès lors, tu ne réfléchis même plus, tu suis, bêtement. Ca ne m'étonne pas que la philosophe se soit fait proscrire.
Quand je faisais mes classes, dans un bataillon semi-disciplinaire -Dieu sait que je n'avais rien fait pour cela -, j'en étais arrivé au bout d'un mois à être agacé quand je voyais quelqu'un porter des cheveux mi-longs...
C'est facile de transformer un être humain en abruti; il faut être drôlement fort pour résister à la pression de tout un système. Mais ça ne dédouane pas pour autant les criminels de guerre, à mon avis.
il me semble aussi que les gens se laissent facilement endoctriner et perdent tout regard critique.
Même l'intelligentsia parisienne, qui se targue de regard critique, est menée par quelques mandarins qui imposent aux autres la façon de penser. Si tu veux être accepté dans le microcosme, tu as intérêt à penser comme ces meneurs. Dès lors, tu ne réfléchis même plus, tu suis, bêtement. Ca ne m'étonne pas que la philosophe se soit fait proscrire.
Quand je faisais mes classes, dans un bataillon semi-disciplinaire -Dieu sait que je n'avais rien fait pour cela -, j'en étais arrivé au bout d'un mois à être agacé quand je voyais quelqu'un porter des cheveux mi-longs...
C'est facile de transformer un être humain en abruti; il faut être drôlement fort pour résister à la pression de tout un système. Mais ça ne dédouane pas pour autant les criminels de guerre, à mon avis.
Remy- Messages : 3178
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Hannah Arendt
Le jugement de cette époque ne peut se faire à la lumière des connaissances que l'on a aujourd'hui. L'antisémitisme était une attitude courante en Pologne, en Russie et même aux Etats-Unis. La chrétienté est responsable pour une bonne part de cet antisémitisme banal: les juifs étaient le peuple maudit. Les faits de l'époque ont été portés à la connaissance des alliés (lire de Jan Karski "mon témoignage devant le monde") et cela n'a pas provoqué de réactions. L'intelligence des nazis a été de s'appuyer sur cet antisémitisme banal et d'impliquer dans le processus d'extermination une très grande quantité d'exécutants. Les nazis ont tronçonné les tâches. Les exécutants savaient ce qu'ils faisaient mais ne pensaient pas réellement" faire mal": ils obéissaient aux ordres, qui leur inculquaient que les juifs étaient des ennemis et qu'en tant que tels ils fallait les éliminer. Sans doute y avait-il quelques réticences, mais pas au point d'enfreindre les ordres. D'après Hannah Arendt "l'horreur du système nazi résidait entre autres dans son aptitude à détruire la volonté des individus"
Le Mal, c'est l'absence de volonté de révolte devant des actes qui heurtent la conscience. L'essentiel est, bien évidemment, de penser par soi-même sans se laisser influencer par "le groupe", mais surtout que la pensée soit suivie d'actes en accord avec les valeurs que l'on porte en soi .
Extrait de "Des hommes ordinaires" -le 101° bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne- de Christopher R. Browning :" Partout la société conditionne ses membres à respecter l'autorité et à lui obéir- et de fait, comment fonctionnerait-elle autrement? Partout les gens souhaitent faire carrière. Dans toute société moderne, la complexité de la vie, la bureaucratisation et la spécialisation qui en résultent atténuent le sens de la responsabilité personnelle de ceux qui sont chargés de mettre en œuvre la politique des gouvernements. Au sein de tout collectif, le groupe des pairs exerce de formidables pressions sur le comportement de l'individu, et lui impose des normes éthiques. Alors, si les hommes du 101° bataillon de réserve de la police ont pu devenir des tueurs, quel groupe humain ne le pourrait pas?" Cela donne à réfléchir sur notre capacité à s'opposer aux influences extérieures.
En ce qui concerne Eichmann, ce n'était certainement pas un être falot à la pensée étriquée. Comme tous les exécutants de cette monstrueuse action, il s'est réfugié derrière les ordres donnés.
N'ayant , hélas, pas vu le film, il m'est difficile de porter un jugement sur Hannah Arendt.
Le Mal, c'est l'absence de volonté de révolte devant des actes qui heurtent la conscience. L'essentiel est, bien évidemment, de penser par soi-même sans se laisser influencer par "le groupe", mais surtout que la pensée soit suivie d'actes en accord avec les valeurs que l'on porte en soi .
Extrait de "Des hommes ordinaires" -le 101° bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne- de Christopher R. Browning :" Partout la société conditionne ses membres à respecter l'autorité et à lui obéir- et de fait, comment fonctionnerait-elle autrement? Partout les gens souhaitent faire carrière. Dans toute société moderne, la complexité de la vie, la bureaucratisation et la spécialisation qui en résultent atténuent le sens de la responsabilité personnelle de ceux qui sont chargés de mettre en œuvre la politique des gouvernements. Au sein de tout collectif, le groupe des pairs exerce de formidables pressions sur le comportement de l'individu, et lui impose des normes éthiques. Alors, si les hommes du 101° bataillon de réserve de la police ont pu devenir des tueurs, quel groupe humain ne le pourrait pas?" Cela donne à réfléchir sur notre capacité à s'opposer aux influences extérieures.
En ce qui concerne Eichmann, ce n'était certainement pas un être falot à la pensée étriquée. Comme tous les exécutants de cette monstrueuse action, il s'est réfugié derrière les ordres donnés.
N'ayant , hélas, pas vu le film, il m'est difficile de porter un jugement sur Hannah Arendt.
nicoleP- Messages : 46
Lieu : Calais
Langues : Français (Langue maternelle) , Gb, De Russe
Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
C'est interessant de voir cet article, je ne savais pas qu'il y avait un film a propos de cette dame.
J'ai une petite question : Quelqu'un a vu ce film ?
Juste pour savoir, car je voudrais avoir quelques avis, je ne veux pas gacher mon temps a regarder un mauvais film ( s'il est mauvais ! )...
Merci !
J'ai une petite question : Quelqu'un a vu ce film ?
Juste pour savoir, car je voudrais avoir quelques avis, je ne veux pas gacher mon temps a regarder un mauvais film ( s'il est mauvais ! )...
Merci !
Invité- Invité
Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Oui, Marinelle, j'ai vu ce film il y a quelques mois et il m'a beaucoup intéressée par la théorie surprenante qu'a défendue H.A. Je pense que le film analyse bien tous les côtés du sujet en question, cette femme a tenté de
transmettre ses convictions. Relire les posts précédents pour comprendre l'ampleur du problème.
transmettre ses convictions. Relire les posts précédents pour comprendre l'ampleur du problème.
Guilaine- Messages : 1122
Lieu : Calais
Langues : Français (Langue maternelle), Gb, De, Es,It
Re: Film "Hannah Arendt" de Margarethe Von Trotta
Merci beaucoup Guilaine !
Je vais donc jeter un coup d'oeil a ce film, j'ai lu plusieurs travaux de cette dame, ca peut donc me donner une autre perspective.
Je vais donc jeter un coup d'oeil a ce film, j'ai lu plusieurs travaux de cette dame, ca peut donc me donner une autre perspective.
Invité- Invité
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